Les enjeux logistiques du système alimentaire en France

5 février 2024

Qu’est-ce que la logistique ? 

 La logistique désigne « l’organisation de la distribution des marchandises », dans une perspective d’optimisation des flux, de maîtrise des coûts et d’ajustement à diverses contraintes, notamment réglementaires. Avec l’intensification des échanges commerciaux et la diversification des modes de consommation, elle est devenue une préoccupation centrale pour les acteurs du système agro-alimentaire. 

L’incubateur Euralimentaire, localisé au sein du marché de gros de Lomme, est au cœur de ce système. L’incubateur accompagne les start’up notamment dans la prise en compte de leurs enjeux lié à la logistique des produits alimentaires. En effet, L’optimisation de la gestion de la chaine logistique (supply chain) nécessite une compréhension approfondie de ses processus clés et une capacité à s’adapter en permanence. La supply chain permet de répondre avant tout à ce que les produits soient bien livrés en temps, en heure, en quantité, en qualité, au bon coût et au bon prix – elle est indissociable de la qualité du service client. 

Quels sont les nouveaux enjeux logistiques applicables au secteur agroalimentaire ?  Quelles sont les contraintes à prendre en compte et les opportunités qui s’offrent aux start’up de la FOODtech ? Le dernier rapport du Centre d’études et de prospectives détaille les grandes tendances en cours et à venir pour la logistique alimentaire en France.  

Nous vous proposons un résumé des points clés à retenir de cette étude, illustrés par des exemples de solutions.  

L’allongement des itinéraires logistiques  

Avec les progrès technologiques de l’industrie agroalimentaire et le développement des réseaux de transports, la logistique a favorisé les systèmes d’échanges à distance et contribuer à renforcer le secteur de la distribution. Ce modèle a développé des chaînes alimentaires longues et impliquant de grands acteurs nationaux et internationaux (grande distribution, centrales d’achats, grands groupes industriels, etc). 

Ces itinéraires qui relient production et consommation, comportent de nombreuses opérations sur les marchandises, sur différents sites (entrepôts, zones de stockage et plateformes, magasins, domicile des consommateurs, etc.). Pour y répondre, la fonction de distribution recourt à des équipements variés : caissons, palettes, silos, chambres froides, etc. Aujourd’hui prédominants, ces dispositifs continueront à définir l’organisation spatiale du système alimentaire français, dans les années à venir.  Pour limiter l’impact des déplacements sur la qualité des marchandises sur de longues distances, il est nécessaire d’isoler les marchandises de l’influence des différents lieux, milieux (notamment microbiens) et environnements qu’elles sont amenées à traverser. L’usage d’emballages primaires, secondaires et tertiaires des produits alimentaires contribuent à l’efficacité de la chaine logistique en garantissant la protection des produits.   

Ce système présente aujourd’hui des limites et doit pouvoir répondre aujourd’hui à de nouveaux enjeux comme la réduction du gaspillage et de l’impact environnemental et social de la distribution des produits alimentaires : en ayant des itinéraires sans ruptures, des emballages plus performants et moins volumineux, une « logistique inverse » (en vue de leur réutilisation, recyclage, élimination de certains emballages), de garanties apportées au consommateur sur l’origine et les conditions de circulation des biens, etc…Des exemples vous seront présentés dans les prochains paragraphes.  

La massification des flux, facteurs d’uniformisation des paysages implique la création de nouveaux services pour le client final par les distributeurs

La massification des flux se sont traduit par l’apparition de formes immobilières typiques des ceintures urbaines : entrepôts et supermarchés, zones commerciales « franchisées », avec voies d’accès nouvelles et parkings. Métropolisation du territoire, étalement logistique et localisation des entrepôts à proximité des autoroutes et des aéroports en périphérie des agglomérations, mais aussi émiettement pavillonnaire, se conjuguent pour façonner un paysage formaté, reconnaissable d’une ville à l’autre.  Mais l’évolution des modes de consommation amène « à reporter la mobilité des personnes vers le transport de marchandises, avec le e-commerce notamment ».  Pour répondre à ces nouvelles attentes de consommation, les distributeurs développent des solutions pour internaliser la logistique, dans une offre  « aliments-services », comme le picking dans le rayonnage et la préparation-confection du panier de courses, auparavant déléguées au consommateur.  

On voit réapparaitre les systèmes de consigne, une « logistique inverse » de retour des produits des points de vente vers le fabricant, en vue de leur réutilisation, recyclage, élimination, etc. Des solutions de gestion des déchets et d’emballages dans une offre globale « aliments-services » sont développées. C’est par exemple le cas de l’abonnement, présenté comme précurseur, proposé par Loop (« plateforme zéro déchet »), en partenariat avec Carrefour, à un panier de produits dont les emballages entièrement recyclables sont repris d’une livraison à l’autre La mise en place de cette logistique inverse se heurte cependant à des freins : Elle induit une augmentation des flux, même si les tournées tendent à être optimisées. Elle nécessite une certaine taille critique de gisement (emballages, biodéchets…) pour rendre économiquement viable la mise en place d’infrastructures de lavage et de recyclage. Les étapes de lavage et de recyclage requièrent énormément d’eau et d’énergie. 

En Hauts-de-France, la start’up Haut-la-Consigne en partenariat des distributeurs développe elle aussi une solution de consigne de bouteilles et contenants. La mission de Haut-la-Consigne : accompagner les habitants et entreprises des Hauts-de-France dans une démarche écologique en faveur de l’économie circulaire et locale en développant la filière de réemploi des contenants. 

Quantités et qualités : la logistique comme argument de différenciation auprès du client  

La logistique est encore peu mise en valeur auprès des consommateurs. Intermédiaire entre la production et la commercialisation, elle est surtout considérée comme un coût à réduire, dans le cadre d’une compétitivité par les prix.  

Différents signes donnent à penser que la logistique sera demain un facteur de différenciation économique majeure. C’est déjà le cas pour les produits du commerce équitable, dont la conception et le marketing essaient d’intégrer toutes les dimensions de la mise en marché : alimentaires, économiques, sociales et environnementales.  

La dénonciation des conditions de travail en entrepôts (fulfillment centers d’Amazon, etc.) ou sur les routes (horaires des camionneurs des pays de l’Est), pourrait être de plus en plus reprise par un marketing mettant en avant les aspects sociaux et éthiques, etc. Les débats sur le partage de la valeur ajoutée entre les acteurs du système alimentaire sont de plus en plus forts.  Des marques comme « C’est qui le patron ? » montrent que cette question de justice sociale est audible et que les produits « responsables » et « solidaires » séduisent certains segments de consommateurs.  

Par exemple, le label « Transport et logistique responsables » de la Fédération nationale des transports routiers repose sur une notation ESG (Environnement,
Social et Gouvernance) spécifique aux entreprises du secteur.

L’émergence de nouvelles attentes sociétales (émissions carbones du transport, bien-être animal, etc.) 

Le transport des marchandises agricoles et alimentaires représente environ 20 % du total des émissions de gaz à effet de serre du système alimentaire français. La part du transport routier y est largement prépondérante, représentant plus de 90 % de la logistique alimentaire, du fait notamment des livraisons du dernier kilomètre. La transition écologique du secteur du transport de marchandises porte donc avant tout sur la décarbonation du transport routier : pour ce faire, un mix-énergétique plus durable devra se substituer à l’utilisation exclusive de carburants issus du pétrole   

Les acteurs de la logistique alimentaire ont déjà mis en place des initiatives : décarbonation des transports, petits véhicules pour réduire la congestion urbaine du « dernier kilomètre », amélioration de la traçabilité et de l’information sur les produits, etc. Dorénavant, les contraintes environnementales rappellent que la distance et le temps sont des facteurs limitants dès lors qu’il s’agit de les appréhender en termes de « carburants », « gaz à effet de serre » ou « bien-être animal ».  

Le transport des animaux doit prendre en compte toutes les mesures nécessaires pour limiter le stress des animaux en respectant les méthodes autorisées par la réglementation. La règlementation française impose des limites durées de transport.

La transition écologique des transports peut également consister en un report modal, du routier vers le ferroviaire et le fluvial, ce qui nécessite des infrastructures, des réseaux de bonne qualité et la création de nœuds d’intermodalité.  

La réorganisation des circuits courts et de proximité, pour contrecarrer la mondialisation des échanges :  

La notion de « circuit court » se réfère au nombre d’intermédiaires entre le producteur et l’acheteur, sans que l’aspect géographique soit pris en compte. Les « circuits de proximité », au contraire, renvoient au caractère plus ou moins local de la production, celui-ci étant variable (50 à 200 km de rayon). Ces deux notions sont liées par des attentes et des valeurs que les consommateurs leur associent : localisme, lien social, qualité des aliments, meilleure rémunération du producteur, etc. 

Les contraintes logistiques des circuits courts pourraient se réduire dans les prochaines années, avec le développement de nouveaux modèles ou l’adaptation des modèles existants : retour de la très ancienne vente directe à la ferme pour s’affranchir des contraintes de transport ; regroupement avec d’autres producteurs pour gérer totalement ou partiellement la logistique ; délégation des activités logistiques à un acteur public ou privé (transformation, distribution) L’exemple de la start up Nectargo ( qui a été incubée chez Euralimentaire)  illustre bien cette tendance : La mission de NectarGo : inventer une filière de distribution alimentaire désintermédiée, moins carbonée, mieux ancrée dans les territoires et plus performante pour les producteurs et distributeurs. 

L’avènement d’une logistique de la data alimentaire 

L’information alimentaire comporte plusieurs registres : composition des produits, conformité aux normes et aux règles (date limite de consommation, etc.), provenance, labels (agriculture biologique, signes de qualité et d’origine comme les AOP), informations d’allergénicité et d’exclusion (les produits « sans » tel ou tel type de substance), étiquettes à visée nutritionnelle ou environnementale (Nutriscore, Ecoscore), etc…La demande de traçabilité du consommateur rejoint celle de l’industrie agro-alimentaire, des professionnels de la sécurité sanitaire et des professionnels de la lutte contre la fraude. Ce foisonnement d’initiatives répond aux préoccupations de la société en matière de qualité, de santé et d’environnement.  

L’information alimentaire fait de plus en plus appel aux bases de données et aux outils numériques. Avant, les informations sur un produit étaient concentrées sur l’étiquette. Aujourd’hui, les mentions obligatoires restent bien sûr sur l’emballage, mais certaines peuvent être dématérialisées et stockées sur des serveurs, en de multiples lieux et à des distances variables des produits physiques.  

La combinaison de l’internet, du code-barres et du QR-code permet d’engranger, tout le long de la chaîne logistique et de façon infalsifiable (blockchain), des informations facilement lues par des détecteurs, pouvant aller jusqu’à l’automatisation des process (ex : entrepôts robotisés) 

Le consommateur peut, grâce à son smartphone, accéder à de nombreuses données : caractéristiques nutritionnelles complémentaires à celles obligatoires, systèmes de notation, etc. L’information alimentaire est devenue ubiquitaire, indépendante de la présence physique du produit, consultable en tout lieu et en tout temps L’exemple de Kakao Mundo, Incubés chez Euralimentaire : La start-up développe un outil numérique permettant de garantir une meilleure qualité du cacao, ainsi qu’une traçabilité et une transparence de son mode de production. L’objectif est de pouvoir produire un cacao gabonais dans le respect d’un cahier des charges précis en termes de qualité, de traçabilité, mais aussi de pratiques sociales et environnementales. Ce chocolat sera ensuite utilisé pour produire des plaques de chocolat sur le site de l’incubateur à Lomme. Le consommateur pourra avec un QR code  sur la plaque de chocolat apporter une contribution à des projets de développement au Gabon.  Lokalité est une plateforme SaaS qui permet aux fabricants de produits alimentaires d’analyser, réduire et communiquer l’impact environnemental de leurs produits en seulement quelques clics. Leur ambition est d’utiliser des technologies avancées afin de construire un système alimentaire zéro net, totalement transparent, équitable et résilient. 

Euralogistic, un acteur régional pour innover sur la logistique – partenaire de l’incubateur Euralimentaire  

Depuis plus de 10 ans, Euralogistic c’est le centre de compétences et d’ingénierie régional au service des entreprises de la filière logistique-transport et supply chain en Hauts-de-France (avec le soutien de l’UE, de l’Etat, du Conseil Régional et de la CCI de Région). Ses bureaux sont situés à l’entrée de la plate-forme DELTA 3, au bord de l’Autoroute A1, dans un Campus totalement dédié à la filière logistique. 

Euralogistic propose aux PME et aux startups depuis 2020 le Programme Supply Chain Booster. Plus de 180 entreprises régionales ont déjà été accompagnées sur ce dispositif dont 25 entreprises agroalimentaires. Cet audit permet de réaliser une cartographie de flux permettant d’identifier les goulets d’étranglement, les ruptures, les risques, afin d’optimiser les flux de marchandises.  

 

Sources : https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/DOC-CEP17/CEP_Document_de_travail_17_G%C3%A9ographie-logistique-du-syst%C3%A8me-alimentaire-fran%C3%A7ais.pdf  

https://agriculture.gouv.fr/geographie-logistique-du-systeme-agro-alimentaire-francais-analyse-ndeg192 

https://foodbiome.fr/tendances-et-perspectives-devolution-de-la-logistique-alimentaire-francaise/ 

https://datafret.com/interview-jean-francois-delage-les-secrets-dune-supply-chain-performante/?utm_source=lkd&utm_medium=cpc&utm_campaign=itw_xprt_jf_delage  

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